Pourquoi est-il si difficile de parler de l’actualité aux enfants ?
Entre le journal télévisé qui tourne en bruit de fond, les conversations entre adultes à table ou les alertes d’info qui surgissent sur nos téléphones, nos enfants sont exposés malgré eux à l’actualité. Et parfois, ces nouvelles ne sont pas bien réjouissantes : guerre, catastrophes naturelles, pandémies, attentats… Bref, rien que des sujets qui peuvent faire peur. Mais faut-il pour autant les protéger de tout ? Ou tout leur dire, au risque de les angoisser ?
En tant que maman de trois petits curieux qui posent mille questions à la minute, je me suis souvent retrouvée à jongler entre mon instinct protecteur et mon désir de leur transmettre une vision juste du monde. Spoiler : ce n’est pas mission impossible, mais ça demande un peu de doigté.
Comprendre ce que les enfants perçoivent vraiment
Les enfants sont de véritables petites éponges émotionnelles. Même s’ils n’ont pas encore les mots pour tout comprendre, ils ressentent très bien l’ambiance qui les entoure.
Un exemple ? Lors de la guerre en Ukraine, mon fils aîné (7 ans à l’époque) avait surpris une conversation entre adultes. Deux jours plus tard, il m’a demandé s’il allait devoir aller se battre aussi. Il n’avait pas compris le contexte géopolitique, mais il avait clairement capté l’inquiétude générale.
Avant de leur parler d’un sujet d’actualité, il est donc essentiel de savoir ce qu’ils en savent déjà. Posez-leur des questions simples :
- « Est-ce que tu as entendu parler de… ? »
- « Qu’est-ce que tu en penses ? »
- « Est-ce qu’il y a quelque chose que tu aimerais me demander à ce sujet ? »
Ces questions permettent de mesurer leur niveau de compréhension et surtout d’identifier leurs éventuelles craintes.
Adapter les explications à leur âge
Ce qui est parfaitement approprié pour un enfant de 10 ans peut être complètement déroutant (voire terrifiant) pour un petit de 4 ans. Adapter son discours à l’âge de son enfant est donc crucial.
Les tout-petits (3 à 5 ans) ont encore un imaginaire très développé et une compréhension limitée des concepts abstraits. Inutile d’entrer dans les détails. Restez simple, rassurant et privilégiez des mots familiers. Par exemple : « Oui, il y a eu quelque chose de triste, mais il y a des gens qui travaillent pour aider ceux qui en ont besoin. »
Les enfants du primaire (6 à 10 ans) commencent à vouloir comprendre le « pourquoi » des choses. Vous pouvez vous appuyer sur des livres ou des vidéos explicatives adaptées, tout en gardant une posture rassurante.
Les préados et ados ont souvent déjà accès à l’info via les réseaux sociaux ou leurs camarades. Là, le travail consiste souvent à rectifier les fake news, corriger les malentendus, et les aider à développer un esprit critique.
Choisir le bon moment pour en parler
Cela peut sembler évident, mais parler de sujets lourds entre la poire et le fromage n’est pas toujours l’idéal. Choisissez un moment où vous êtes tous les deux disponibles et détendus. Chez nous, c’est souvent le soir, pendant le rituel du coucher ou dans la voiture, à l’abri des distractions.
Un enfant sera plus apaisé si vous prenez le temps de vous asseoir avec lui, à hauteur de regard, sans téléphone dans les mains, pour répondre à ses questions.
Utiliser des outils adaptés et rassurants
Il existe aujourd’hui une multitude d’outils pour vous aider à aborder l’info avec vos enfants, sans les effrayer :
- Des livres comme « Le p’tit Libé » qui expliquent des sujets de société et d’actualité avec des mots simples.
- Des podcasts pour enfants (ex : « Salut l’info ! », co-produit par France Info et Astrapi).
- Des vidéos pédagogiques, comme celles proposées par Arte Junior ou 1 jour 1 actu.
Ces supports permettent souvent d’ouvrir le dialogue. L’enfant pourra poser ses questions à partir de ce qu’il vient de voir ou d’entendre, et vous y répondre en étant vous-même mieux armé.
Ne pas minimiser leurs émotions
Parfois, notre premier réflexe est de dire : « Ne t’inquiète pas, ce n’est rien » ou pire, de changer de sujet. Mais attention : minimiser l’émotion d’un enfant, c’est lui envoyer le message qu’il ne peut pas parler de ses peurs.
Il vaut mieux valider ce qu’il ressent. On peut dire, par exemple : « Je comprends que ça te fasse peur. Moi aussi, ça me rend triste. Mais tu sais, il y a des gens qui sont là pour protéger les enfants et faire en sorte que ça n’arrive pas ici. »
Les enfants ont besoin d’être rassurés, mais aussi d’avoir le droit de ressentir ce qu’ils ressentent, avec notre soutien.
Montrer que des solutions existent
Les enfants ont besoin d’espoir, d’action, et de savoir que tout n’est pas entre les mains du hasard. Lorsqu’un sujet les inquiète, montrez-leur qu’il y a des solutions et que des gens agissent.
Par exemple :
- En cas de crise humanitaire, vous pouvez leur parler des associations qui apportent de l’aide.
- En période de pandémie, vous pouvez leur expliquer les gestes barrières comme une façon de « devenir un super-héros » qui protège les autres.
- Quand on parle d’écologie, impliquez-les dans de petits gestes à la maison. Trier les déchets, éteindre la lumière… Ça les rendra fiers et moins impuissants face aux enjeux climatiques.
Donner du sens et de la perspective, c’est essentiel pour les aider à apprivoiser la complexité du monde.
Et si moi-même, je ne sais pas quoi dire ?
Bonne nouvelle : on n’a pas besoin d’être expert en géopolitique ou en climatologie pour répondre à nos enfants. Ce qu’ils attendent d’abord, c’est une présence rassurante et honnête.
Il m’est arrivé plus d’une fois de dire à mes enfants : « Je ne suis pas sûre de tout comprendre moi-même, mais on peut chercher ensemble. » Croyez-moi, cette réponse-là les touche souvent plus qu’un discours super bien préparé.
Et si le sujet vous semble trop difficile à aborder seul(e), n’hésitez pas à solliciter un enseignant, un psy scolaire ou même simplement d’en reparler plus tard, après vous être documenté(e).
Savoir quand il faut mettre les infos sur pause
On l’oublie parfois, mais nos propres habitudes de consommation de l’information influencent fortement nos enfants. A-t-on vraiment besoin de laisser les chaînes d’infos en continu tourner en fond pendant le dîner ?
Limiter l’exposition à l’actualité crue (images violentes, ton alarmiste, répétition des mauvaises nouvelles…) peut alléger la charge mentale des enfants… et des parents !
Chez nous, on a instauré des moments « sans écran ni info » dans la journée. On en profite pour jouer, lire ensemble ou juste se raconter nos journées. Et franchement, ça fait du bien à tout le monde.
Transformer l’actualité en occasions de grandir
Parler de l’actualité avec les enfants, ce n’est pas seulement les informer. C’est aussi les aider à développer leur esprit critique, leur empathie et leur capacité à s’engager dans un monde qu’ils vont un jour façonner eux-mêmes.
Un petit exemple de chez moi : après avoir entendu parler de la guerre en Ukraine, ma fille de 9 ans a organisé un goûter solidaire à l’école. Elle a vendu des cookies (qu’on a cuisinés ensemble) pour reverser les bénéfices à une ONG. J’en avais les larmes aux yeux. Comme quoi, avec les bons mots et un peu d’accompagnement, même les sujets les plus difficiles peuvent être des leviers de bienveillance et d’action.
Alors oui, parler de ce monde parfois chaotique à nos enfants n’est pas toujours facile. Mais avec écoute, adaptation et bienveillance, nous pouvons les aider à grandir solides, conscients, et pleins d’espoir. Ils n’ont pas besoin de tout savoir… mais ils ont besoin de sentir qu’ils ne sont pas seuls à essayer de comprendre.